Agenda républicain
Primidi, 1 Floréal
Jour de la Rose.
Primidi, 1 Rose. C’est la fleur du rosier, joli arbrisseau, dont il y a beaucoup d’espèces. Le calice est composé de cinq feuilles, dont deux sont imberbes et deux barbues, l’autre n’a de barbes que d’un côté : la fleur est composée aussi de cinq feuilles. On a donné le nom de rosacées aux autres plantes dont les fleurs affectent la même disposition. Comme dans toutes les fleurs doubles, les nombreuses étamines de la rose se changent souvent en pétales. Les principales espèces sont la rose de Provins, la rose Centifeuille, la rose de Damas, la rose Eglantier, la rose musquée, etc.
La rose est regardé avec raison comme la plus belle des fleurs ; on l’employe dans la medecine, et dans les arts, à différens usages. L’Eglantier est nommé aussi rose canonce, parce qu’on a regardé sa racine comme un remède contre la rage, mais cette propriété n’est pas bien démontrée. Quelques roses sont purgatives, d’autres au contraire sont astringentes : on en fait une eau distillée, recommandée pour les yeux ; l’infusion des roses de Provins est employée pour la guérison des blessures.
Le parfumeur tire une très-grand parti des roses ; les feuilles sèches entrent dans les sachets ; il en fait des essences et des pommades : les onguens de rose étoient connus au tems d’Homère. Le distillateur en prépare différentes liqueurs : le confiseur en sait faire des crêmes, des glaces, des conserves, des pastilles, etc.
Les anciens ont beaucoup célébré la rose dans leurs écrits, sur leurs monumens, dans leurs cérémonies triomphales, nuptiales ou funéraires ; partout on la voit, où il en est question. Comme sa fraîcheur est passagère, ils lui comparent la beauté ; comme le moindre souffle la détruit, ils en ont fait l’emblême de la pudeur et de la virginité, et c’est pour punir les téméraires qu’elle a reçu des épines qui la défendent. Les jeunes filles qui reçoivent le prix de la vertu, en sont couronnées, et on les nomme rosières. Selon les mythologues Hébreux, la rose étoit sans épine avant la chûte de l’homme ; cette pensée sombre rappelle toujours l’enfer, la mort et le pêché. Ce que les mythologues Grecs ont dit des épines de la rose, réveille des idées plus fraîches et plus riantes. Elle a selon eux toujours eu des épines, Vénus fut piquée par elles en détachant une rose blanche, et le sang qui coula de sa blessure a donné naissance à la rose rouge. Si cette déesse est obligée de corriger l’amour, c’est avec des roses sans épines. Tout ce qui est coloré d’un léger incarnat, est comparé à la rose ; on dit des lèvres de rose, et c’est avec ses doigts de roses que la diligente aurore ouvre, au char du soleil, les portes de l’orient. Les Nymphes, les Grâces, les Amans, les Bergers ont des guirlandes de roses. Les héros, vaincus par les belles, en sont enchaînés. Les voluptueux sont représentés couchés mollement sur la rose. Un sybarite se trouva blessé, parce qu’il y en avoit une qui formoit sous lui un léger pli. La salle des banquets étoit jonchée de roses ; les coupes, les convives en étoient couronnés pour les avertir qu’il falloit se hâter de jouir, parce que la vie est fugitive comme elles. La rose Eglantine étoit le prix d’un genre de poésie dans les jeux floraux de Toulouse.
L’Eglantine se change en une baie ovale et rouge, qu’on appelle vulgairement gratte-cul, à cause des poils de ses semences qui causent des démangeaisons aux parties où elles s’attachent ; quelques personnes aiment leur goût acide, et on en prépare des médicamens.
Plusieurs insectes vivent sur le rosier. La Cygale écumeuse y fait sa demeure et s’y cache à tous les yeux sous l’écume dont elle sait s’envelopper jusqu’après sa métamorphose. On voit souvent sur le rosier une substance spongieuse et défendue par des pointes qui ressemble au fruit de l’hypocastanum ; on la nomme vulgairement éponge d’églantier ou bedeguar ; cette substance traversée d’une infinité de filamens, n’est autre chose qu’une maladie de la plante, une tumeur causée par la piqûre d’un insecte du genre cynips, qui dépose ses œufs dans l’intérieur, afin que les larves qui en naîtront, puissent s’y nourrir après leur métamorphose. Cette substance est de nature des galles que des insectes du même genre occasionnent aux feuilles de chêne et de quelques autres arbres.