Agenda républicain
nonidi 29 vendémiaire
Jour de l’orge.
Il y a plusieurs espèces d’orge connues des botanistes, l’orge des murs, l’orge seglin, l’orge distique, etc. Celui dont il est ici question est l’orge vulgaire. Ses tiges sont articulées, feuillées et hautes de deux ou trois pieds ; elle portent à leur sommet un épi long de trois pouces environ, et garni de longues barbes.
L’orge semé dans un bas fond, produit une grande quantité de grains ; il aime surtout les terres argilleuses.
L’orge mêlée avec le froment, fait un très-bon pain ; mais, sans cette addition il est moins estimé. C’est la nourriture d’une grande partie des habitants de la Manche, du Finistère et de plusieurs autres. Ce pain convient mieux aux hommes qui travaillent beaucoup, parce qu’il est très difficile à digérer. Aussi était-ce, chez les anciens, la nourriture des gladiateurs, appelés pour cette raison Hordearii. Il est d’ailleurs rafraîchissant et salubre.
En dépouillant l’orge de sa peau, on en fait l’orge mondé, et en ne laissant que le milieu du grain, l’orge perlé ; on en prépare des bouillies et des boissons pectorales et rafraîchissantes. On fait avec de l’orge et du sucre, une espèce de conserve pour le rhume, appelée Sucre d’orge ; l’orgeat doit avoir pour base une décoction d’orge.
Un des grands usages de l’orge, est pour la fabrication de la Bière, boisson connue des Egyptiens et des Grecs sous le nom de Zythos, et des Romains sous celui de Cerivifia ; elle est en usage aujourd’hui chez toutes les nations. On fait tremper l’orge pendant trente heures pour le ramollir ; on laisse germer cet orge mis en tas, ce qui développe le corps sucré ; on le sèche à la tourraille, espèce de fourneau terminé par une trémie sur lequel on l’étend. Il faut ensuite le cribler pour en séparer les germes, appelés touraillons ; on le mout en une farine nommée malt ; cette farine est délayée dans la cuve matière avec de l’eau chaude qui dissout le mucilage ; cette eau se nomme premier métier. Après l’avoir fait chauffer on le reverse de nouveau sur le malt, et il forme le second métier. Après cela, on le met fermenter avec du houblon et de la levure, dans une cuve appelée gutiloire. Quand la fermentation est achevée, on agite, on bat la guîlloire et on met la liqueur en tonneau. La fermentation secondaire qui s’y excite, forme une écume nommée levure, qui sert pour une nouvelle fabrication. L’atelier où on fait la bière s’appelle brasserie, et l’art de la fabriquer, l’art du brasseur. Il est à remarquer que deux brasseurs ont été célèbres dans l’histoire des révolutions : Artevalle, chef d’une insurrection légitime dans le Brabant, contre Charles VI, un des plus stupides des tyrans de la France, et Santerre, qui combat actuellement les rebelles de la Vendée.
Il y a plusieurs variétés de l’orge ; celle que l’on ne sème qu’en Mars, s’appelle le mars ; le grain de l’orge est très-utile pour engraisser les oiseaux de basse-cour.