Agenda républicain
primidi 11 vendémiaire
Jour de la pomme de terre.
C’est la racine tuberculeuse d’une espèce de Solanum appelé par les Botanistes Solanum tubereux. Ses feuilles sont lanugineuses et découpées ; sa fleur est gris de lin et monopetale ; les anthères sont perforées comme celles de toutes les plantes solanaccées ; ses fruits sont des baies charnues, grosses comme des cerises, qui jaunissent en vieillissant et contiennent beaucoup de semences ; ces fruits sont un poison.
La Pomme de terre croît spontanément au Chili ; elle a été apportée de Virginie en Europe en 1585, lorsque les Anglais découvrirent ce pays. C’était une rareté à Paris en 1616 : Walther Rhaleig la répandit en Irlande en 1623, et elle y fait aujourd’hui la principale nourriture des habitants. Les Français ont eu longtemps des préjugés contre cet aliment aussi économique que salutaire ; mais il jouit aujourd’hui de l’estime qui lui est due et on le regarde comme un des bienfaits de la nature.
Sa culture qui avait été longtemps très-négligée attire aujourd’hui l’attention du gouvernement. Un petit terrain cultivé en Pommes de terre peut suffire à la nourriture d’une famille entière ; on la sème vers la fin de Ventose, après avoir labouré la terre ; cette opération se fait en mettant les petites racines en terre à deux pieds l’une de l’autre, ou en semant des morceaux de grosses Pommes coupées par tranches ; un ou deux yeux suffisent pour qu’elles puissent pousser.
Vers le mois Fructidor on fauche les feuilles que les bestiaux mangent très-bien en vert ; en Frimaire et dans tous les cours de l’hiver, on peut recueillir les Pommes de terre : un arpent qui produit 12 quintaux de froment, en produirait 200 de cette racine.
C’est à tort que l’on nomme cette plante Pomme de terre, ce qui donne l’idée d’un fruit, puisque c’est sa racine que l’on mange ; c’est la forme ronde de ces racines et leur couleur qui leur a mérité ce nom. Un seul plant en pousse trente ou quarante qui ressemblent assez à des rognons de veau. On les mange cuites sous la cendre, rôties ou bouillies avec un peu de sel ; quelques fois avec du beurre ou du lard ; on en accompagne différentes viandes, on les fait frire, on les apprête enfin de plusieurs manières.
La feuille de la pomme de terre est une excellente nourriture pour les bestiaux ; la racine elle-même coupée par morceaux ne leur est pas moins utile : les vaches, les cochons, les volailles, les chevaux même en mangent avec autant de plaisir que l’avoine quand ils y sont accoutumés, quelquefois on la fait cuire, pour les y habituer, ils finissent par la manger crue.
Tous les sucs des végétaux élaborés dans leurs vaisseaux s’épaississent et se déposent à la surface de leurs fibres : cette portion pulvérulente séparée des plantes par l’action du pilon et de l’eau s’appelle Fécule ; c’est une poudre sèche, insipide, de différente couleur et insoluble dans l’eau froide. Les semences des plantes graminées et légumineuses, les racines tubéreuses en sont principalement chargées. La fécule de la Pomme de terre est très-abondante et s’exprime avec une grande facilité ; on l’obtient en râpant les Pommes de terre sur un tamis et en versant dessus une grande quantité d’eau ; quand l’eau est décantée et évaporée, on fait sécher la fécule à une chaleur douce ; elle est alors en poudre extrêmement fine, très-blanche et très-légère ; pour en préparer de grandes quantités, on a imaginé des moulins particuliers ou des espèces de râpes tournant dans un cylindre.
Cette fécule cuite dans l’eau, dans le bouillon ou dans du lait, fournit un aliment sain et léger ; mêlée avec du froment elle fait un assez bon pain ; on suit pour cette fabrication différents procédés ; on fait même avec cette fécule du pain où il n’entre de froment précisément que ce qu’il faut pour faire lever la pâte. Le citoyen Parmentier a fait une suite de recherches, d’expériences et de travaux utiles sur cette substance.
On fait avec cette fécule des bouillies, des crèmes et des pâtisseries excellentes ; elle pourrait être substituée à la farine de froment pour la fabrication la plus inutile des substances, l’amidon.