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Vendémiaire

VENDEMIAIRE

Ce mois tire son nom du mot latin Vindemia qui signifie vendange, parce que c’est à cette époque que l’on récolte le fruit de la vigne pour faire le vin.
Quand le raisin a acquis sa maturité, on le coupe avec des lizeaux, petites serpettes bien tranchantes, afin de ne pas faire tomber les grains en ébranlant la grappe ; cette opération s’appelle vendanger. On y emploie ordinairement des femmes de la campagne et souvent même des femmes de la ville ; les jeunes gens, les enfants, les propriétaires et les cultivateurs s’en font un amusement.
Le vendange a toujours été un temps de plaisir, et les anciens la célébraient par des fêtes en l’honneur de Bacchus, à qui ils attribuaient l’invention de la culture de la vigne. Ils la terminaient par une danse appelée la Cordace, espèce de pantomime, dans laquelle on exprimait tous les travaux des vendangeurs. C’était l’époque d’une gaieté souvent un peu trop libre, mais franche.
Nous devons à ces fêtes l’origine de la tragédie. Thepsis en est l’inventeur, parcourait à cette époque les villages de la Grèce et déclamait des vers dans un chariot, avec ses suivants couronnés de pampres et barbouillés de lie, ce qui ne devait pas être très-dramatique.

L’imagination vive des Grecs leur faisait attribuer à Bacchus, l’invention de la culture de la vigne. L’imagination triste de nos prêtres leur en a fait donner tout l’honneur à Noé. Outre les redevances que celui qui vendangeait, devait aux églises, des frères quêteurs parcouraient les campagnes avec un sceau, qui, par la crédulité des bons paysans, était bientôt rempli d’un vin qui ne rentrait pas au couvent sans avoir été largement goûté par le porteur.
Avant notre glorieuse révolution, la vendange était aussi un temps de fête, parce qu’elle rapprochait davantage les nommes de cette égalité pour laquelle ils ont été formés, et dont ils n’ont été éloignés que par le vice des institutions sociales. Les citadins et les habitants des campagnes se réunissaient, une gaieté vive animait au travail et la journée se terminait par des chansons et par des danses. Les bourgeois croyaient fraterniser avec les cultivateurs, parce qu’ils partageaient, pour ce jour-là seulement, leur pain noir et leur soupe au choux. Dancourt a peint assez bien leu ridicule dans une petite pièce intitulée les vendanges de Surêne, et la vendange est le sujet d’un assez joli opéra-comique intitulé les Vendangeurs.
La vendange est encore pour tous les peuples qui cultivent la vigne, un temps de plaisir et d’amusement ; les François surtout, ont sujet de se réjouir au moment de recueillir une des plus importantes productions de la terre, et une des principales sources des richesses de la nation.
La vendange ne doit se faire que par un temps sec et chaud. Autrefois le vigneron ne pouvait la commencer qu’après une publication appelée ban de vendanges, ce qui l’empêchait souvent de saisir le vrai temps de la maturité.
Quand le raisin a été détaché du cep, on le pose dans des petits paniers qui sont eux-mêmes vidés dans des hottes d’osier, enduites de poix intérieurement, et humectées depuis quelques jours pour rendre le tissu plus serré. Ces hottes ou bachaux sont portées par des chevaux, ou dans des charrettes selon l’éloignement du presoir.
On verse ces hottes dans une cuve placée dans un lieu fermé. Des hommes entrent dedans et foulent le raisin, c’est-à-dire qu’ils l’écrasent à l’aide des mains. Quelquefois, pour que l’opération se fasse d’une manière plus égale, on se sert d’un instrument appelé fouloir, espèce de cage de bois portée sur un brancard et percée comme un crible pour laisser couler le vin ; deux trappes servent à rejeter le marc dans la cuve avec le pied ; de cette manière tous les grains sont également écrasés. Alors on couvre la cuve, on y laisse le vin pendant un temps convenable et la fermentation s’établit.
Cette fermentation est celle que l’on nomme spiritueuse ; il faut pour qu’elle s’établisse, un mucilage sucré, une fluidité un peu visqueuse, une grande masse, afin qu’il puisse s’y exciter un mouvement assez rapide, enfin une chaleur de dix à quinze degrés au thermomètre de Réaumur. Pour exciter cette chaleur plus promptement, on met quelquefois dans la cuve deux chaudières de vin cuit et chaud. Quand toutes ces circonstances sont réunies, ce qui a lieu dans la cuve où le vin a été foulé, il s’excite dans la liqueur d’un mouvement qui va toujours en croissant ; le volume augmente, la transparence de la liqueur se trouble et il se produit une chaleur qui s’élève jusqu’à dix-huit degrés, le marc surnage la liqueur à cause du fluide élastique qui s’y développe. Ce fluide est le gaz acide carbonique, qui se rassemble au-dessus de la liqueur. Ce gaz ne peut servir à la respiration, il tue les animaux et éteint les corps enflammés, c’est celui qui a servi à Dechaulnes et à Prieftley, pour leurs belles expériences. Si ceux qui foulent le raisin demeuraient dans la cuve, quand cet air s’en exhale, ils y périraient infailliblement, et on en a de terribles exemples.
Quand le marc surnage entièrement la liqueur, le vin est suffisamment cuvé, on prend ce marc avec un seillon ou baquet et on le porte sur le pressoir ; le vin qui est resté dans la cuve est reparti dans les tonneaux ; on y joint celui qui s’égoutte sur le pressoir avant qu’on ait pressuré le marc et même celui qui sort le premier après cette opération : ce vin est le plus délicat et s’appelle vulgairement la mère-goutte ; on en garde quelques tonneaux ; le marc est haché et pressuré jusqu’à trois fois, et ce qui en sort sert à remplir le vide des autres tonneaux.
Le vin dans cet état, s’appelle vin doux, Moust du latin Mustum ; il a en effet un goût sucré : il plaît à quelques personnes, mais il est très-relâchant. Pour qu’il acquière une bonne qualité il faut qu’on subisse, dans les tonneaux où on l’enferme, sans le boucher, une seconde fermentation insensible. Le corps sucré, la partie colorante et l’esprit ardent se mêlent, se combinent plus intimement et le vin acquiert plus de corps et de force ; plus il en a, plus on dit qu’il est généreux, on le met dans les bouteilles où il prend encore une qualité plus parfaite.
Le suc du raisin est parfaitement blanc ; la partie colorante est dans l’enveloppe, aussi fait-on du vin blanc avec du raisin noir, en le portant au pressoir sans le faire cuver. On lui donne une couleur plus ou moins foncée en le faisant cuver plus ou moins longtemps.
Il y a un moyen d’augmenter la fermentation par l’addition d’un corps sucré ; on peut aussi l’arrêter à moitié, c’est ainsi que se fait le vin mousseux : on le met en bouteille avant qu’il ait entièrement fermenté. Quand la fermentation se rétablit par le contact de l’air, le gas acide carbonique se dégage et emporte avec lui le bouchon et la liqueur, c’est ce qui arrive au vin de Champagne.
Pour conserver le vin qui doit passer la mer, on fait brûler dans les tonneaux des linges imprégnés de souffre ; cette opération s’appelle soufrer ou muter le vin. Quand le raisin contient trop de parties aqueuses on l’expose à l’ardeur du soleil après l’avoir détaché des ceps, le phlegme s’évapore et les parties spiritueuses se rapprochent ; c’est ainsi que se font les vins cuits de la Grèce et d’une grande partie de l’Espagne et du Portugal.
La République produit un grand nombre d’excellents vins ; ceux du département de la Côte-d’Or sont les meilleurs pour l’usage journalier, parce que leurs principes y sont parfaitement combinés et qu’aucun n’y domine. Les vins du département du Loiret, approchent de ceux-ci pour la qualité, mais ne sont pas aussi agréables. Le vin rouge et le vin blanc nouveau du département de la Marne, sont bons et délicats. Le vin mousseux dont la fermentation n’a jamais été complète, est malsain, et ne doit sa réputation qu’à la fantaisie. Les vins du département du Gard et du Bec d’Ambés, sont foncés en couleur très-toniques et très-stomachiques, surtout quand ils sont vieux.
Les vins d’Angers blancs, spiritueux et enivrent très-proprement. Il y avait autrefois en France des vignobles estimés qui sont aujourd’hui méprisés, parce qu’on a abâtardi les terres en les fumant. On citait les vins de Brie et de Surêne, qui sont actuellement de peu de valeur, on en trouve d’autres cités aussi dans un vieux fabliau appelé la bataille des vins, dont on ne fait plus aucun cas.
Quant aux vins étrangers, ceux du Rhin et de la Moselle sont blancs et enivrent facilement. Quelques vins d’Italie, tels que ceux d’Orviette, de Vicence, le Lacryma Christi, sont bien fermentés et imitent assez les vins de France. Ceux d’Espagne et de Grèce sont en général cuits, doux, peu fermentés et très-mal sains. Il faut pourtant en excepter ceux de Rota et d’Alicante, qui passent avec raison pour des stomachiques et des cordiaux très utiles.
En général les vins de France ont et méritent la supériorité sur tous ceux de l’Europe.
Le résidu de la vendange s’appelle le marc ; il sert à engraisser la terre, et à nourrir les cochons. En mettant de l’eau dessus, remplissant les tonneaux à moitié, les transvasant successivement, on vient à bout d’y établir encore une fermentation peu sensible et on fait une liqueur peu agréable, mais d’une qualité rafraichissante qui tient lieu au pauvre du vin qu’il ne peut se procurer. La saveur aigrelette de cette liqueur, lui a fait donner le nom de piquette ; quelques chymistes ont aussi retiré de l’eau-de-vie du marc ainsi fermenté et distillé.
Il y a différentes manières d’altérer le vin, en le mêlant avec d’autres, ou en le sophistiquant avec des matières hétérogènes ; la commune de Paris a pris des mesures vigoureuses contre les empoisonneurs publics qui font cet abominable trafic.
Le sédiment du vin s’appelle lie, et on en retire un sel nommé tartre ; en brûlant cette lie on en obtient les cendres gravelées, espèce de sel alkali qui sert aux chapeliers pour leur teinture.
La distillation du vin produit l’eau-de-vie, et cette eau-de-vie rectifiée, c’est-à-dire distillée de nouveau, donne l’esprit-de-vin, appelé par les chimistes modernes, Alcohol.
Le raisin n’est pas le seul fruit avec lequel on fasse du vin : tous ceux qui contiennent les principes de la fermentation sont propres à en produire. Si un de ces principes manque, on n’est pas en assez grande quantité, on le peut ajouter, ou en augmenter la dose pour qu’elle soit dans la proportion convenable. On fait du vin de pêche, d’abricot, de prune, de mures, de figuier, de sorbier, de myrthe, de cerises, de pommes, de poires, etc.
La bière fabriquée avec des semences de graminées est une espèce de vin. La liqueur fermentée qui découle du palmier et du bouleau, en sont encore. Le produit de toutes ces substances est toujours une liqueur plus ou moins colorée, d’une odeur aromatique, d’une saveur piquante et chaude, qui ranime le jeu des fibres affaiblies, quand on la prend à petite dose, et qui mine quand on en boit trop. Le vin de raisin le plus estimé de tous est un composé d’une grande quantité d’eau, d’un aromate particulier à chaque vin d’Alcohol, d’un sel essentiel, nommé tartre et d’une matière extractive, résineuse colorante, à laquelle les vins rouges doivent leur couleur.
Les Poètes ont de tous temps chanté le vin. La Convention nationale en a sagement fixé le maximum.

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