Agenda républicain
Quintidi 5 Nivôse
Jour du CHIEN.
Quintidi 5, CHIEN. Cet animal constitue parmi les mammifères, un genre composé de plusieurs espèces dont le caractère est d’avoir les dents latérales, longues, pointues et recourbées, ce qui a fait donner aux dents qui ont la même forme dans tous les genres de cette classe, le nom de dents canines.
Ce genre contient plusieurs espèces : la principale celle qui est ici désignée est le chien domestique, son caractère est d’avoir la queue recourbée à gauche. Cette espèce est elle-même divisée en un grand nombre de variétés. Le chien est le plus fidèle compagnon de l’homme ; presque par-tout il habite avec lui, presque par-tout il est domestique, un petit nombre seulement a repassé de cet état à l’état sauvage.
La chienne, ou la femelle du chien, annonce le tems où elle est en chaleur par quelques traces de sang. Tous ces animaux s’unissent à cette époque sans distinction, et il est difficile de les séparer ; la chienne porte 63 jours ; dans cet état elle s’appelle lice ; elle met bas 4-10 petits, tous aveugles ; ils ressemblent au père ou à la mère selon la conformité de leur sexe. Le chien est adulte au bout d’un an, et il vit douze ou quinze ans ; pendant ce temps il ne quitte pas l’homme, et lui sert à une infinité d’usages.
Ce mammifère est carnassier, il aime les cadavres, les viandes crues et cuites, et même les os. Il mange rarement des fruits et des légumes ; s’il recherche quelques plantes telles que le triticum rampant (le chiendent), et le doctile gloméré, c’est pour sa santé, et comme purgatif. Il boit en lappant, il urine en levant les cuisses de derrière. Ces animaux trouvent du plaisir à se flairer mutuellement l’anus, habitude qui a fourni à Phèdre le sujet d’une de ses fables ; ils ont l’odorat très-délicat, nagent facilement, et courent de côté. Quoique la chaleur et la fatigue leur fassent tirer la langue, ils suent difficilement. Avant d’entrer dans sa loge, le chien tourne lontems autour, il y dort d’un sommeil facile à interrompre, souvent en ronronnant, et le moindre bruit l’éveille ; s’il vient un homme suspect, il s’inquiète, il jappe ou il aboye selon que sa colère est plus ou moins forte ; il carresse son maître et supporte patiemment ses menaces et ses coups ; il le précède dans sa marche et s’arrête dans les carrefours jusqu’à ce qu’il lui enseigne sa route ; s’il le gronde il se retire, la queue humblement passée entre ses pattes. Il pardonne et oublie facilement les injures. Si on lui jette une pierre il la mord. L’approche des orages l’incommode. Il devient aveugle dans sa vieillesse, peu de tems après, il meurt.
Plusieurs ennemis le tourmentent, les puces, les mittes et principalement un ver intestinal du genre tenia. Il est sujet à plusieurs maladies dont la rage est la plus dangereuse et la plus cruelle. Le genre du chien est composé d’une foule d’espèce, le loup rapace, le renard rusé, l’hyene, le chacal, que l’on regarde comme la souche primitive de toutes les autres espèces.
La variété du chien qui approche le plus de cette espèce et qu’on pense être comme le passage à une autre, est le chien de berger, ce gardien fidèle des troupeaux de bœufs, de moutons, de rennes et même d’oiseaux.
Les variétés qu’on employe pour la chasse sont le chien courant, le basset, le braque, le lévrier, etc. Toutes ont un instinct particulier pour l’espèce de chasse à laquelle on les applique. L’un poursuit le lièvre, le renard, le blaireau jusques dans leurs terriers et les contraint d’en sortir ; l’autre force les animaux les plus rapides à la course ; l’autre sait dompter et vaincre les plus terribles et les plus courageux habitans des forêts. Celui-ci d’un regard effraie et rend stupide, l’animal que son maître veut avoir, jusqu’à ce qu’il s’en soit emparé. Enfin ils savent attaquer seuls ou par divisions et obéir à celui qui les commande. Le talent de les diriger constitue l’art de la vennerie. Quand l’animal qu’ils poursuivent est tombé, ils l’apportent sans s’en réserver la moindre partie.
Rien n’est si commun que d’acoutumer les chiens à rapporter les effets perdus ou égarés ; on leur apprend aussi une infinité de tours pour servir de divertissement dans les foires. Les dogues paroissent intrépides au milieu des feux d’artifice ; d’autres font la révérence, la culbute, mènent la brouette, montent à l’assaut selon la volonté des jongleurs auxquels ils appartiennent. Dans nos départemens méridionaux, ils tournent la broche au moyen d’un tambour dans lequel on les enferme. Dans le département du nord ils servent à traîner des petits chariots chargés de houille ou de comestibles. Au Kamschatka, ils traînent des voitures qui conduisent des hommes, et ceux qui meurent de froid ou de fatigue, deviennent la nourriture de ceux qui leur survivent. Ces animaux guérissent les blessures et les ulcères en les léchant; enfin quelques variétés sont recherchées par la gentillesse de leur forme et la beauté de leur poil.
Si les différentes variétés du chien servent à tant d’emplois, ses différentes parties sont bonnes à plusieurs usages ; sa chair ne se mange en Europe, que dans les cas de nécessité ; mais il n’y a pas de disette et de siége prolongé où les hommes n’en fassent leur nourriture. Les Iroquois et les Nègres l’aiment beaucoup quand elle est rotie. Les Romains mangeoient avec délice les petits chiens. La graisse entre dans la composition des perles fausses ; la peau sert à faire des gants ; elle sert aussi aux pelletiers qui, en la teignant imitent la fourrure de plusieurs animaux ; le poil peut entre dans la bourre. Enfin les excrémens ont servi long-tems aux médecins, c’est ce qu’on appelle en pharmacie album graecum ; on n’en fait plus usage. Cette substance stiptique sert à la préparation des cuirs ; le chien tombe souvent sous le scalpel des anatomistes qui le prennent pour sujet de leurs dissections ; il a été l’occasion d’une foule de découvertes. C’est par ces dissections qu’Azel a découvert les vaisseaux lactés ; Pequet le canal thorachique ; Harvey, la circulation du sang.
Le chien a été de tous les tems l’objet des soins de l’homme. Homère nous représente toujours les héros Grecs accompagnés de leur chien fidèle. Les Egyptiens donnoient une tête de chien à leur Dieu Anubis. On le voit représenté sur les monumens antiques et sur plusieurs médailles. Il est encore honoré aujourd’hui chez les Japonois, mais chassé par les Mahométans. Le chien, parmi les poètes et les peintres, est le symbole de la fidélité. La vivacité de ses regards et le peu de soins qu’il prend de cacher ses amours, en avoient fait chez les Grecs le symbole de l’impudence, d’où est venu le nom de cyniques, pour désigner des hommes dont l’audace égale celle des chiens.