Agenda républicain
Quintidi. 5 THERMIDOR
Jour du BELIER.
Quintidi. 5, BELIER, le mâle de la brebis, le chef du troupeau ; on le distingue à ses cornes comprimées et tournées en croissant ; les meilleurs de tous, sont les béliers blancs, chargés de laine jusques sur les yeux.
Cette espèce est d’autant plus abatardie, qu’elle est plus subjuguée. L’amour est le seul sentiment qui semble lui inspirer quelque vivacité ; alors le bélier est pétulant ; il se bat contre ses rivaux, quelquefois mêle il attaque le berger ; passé ce tems il devient timide et craintif. Dans les pays d’où on retire les belles laines, les propriétaires apportent les plus grands soins à avoir des béliers de bonne race et vigoureux ; ils fondetn sur ces animaux l’espoir de leurs troupeaux, qui, autrement, dégénéreroient bientôt.
On connoît l’âge du bélier à ses dents, qu’il perd successivement à différentes époques ; on le connoît aussi à ses cornes qui croissent périodiquement d’un anneau jusqu’à la fin de sa vie. Sa durée la la plus ordinaire, est de douze à quatorze ans. Il peut engendrer à dix-huit mois, mais il vaut mieux attendre qu’il ait trois ans, et on ne doit l’employer que jusqu’à huit. Un seul peut suffire aisément à vingt-cinq ou trente brebis ; par un goût bisarre il aime mieux les brebis âgées que les jeunes.
Le bélier qui a subi la castration s’appelle mouton. Pour former un troupeau on achète des béliers et des brebis âgés de dix-huit mois à deux ans. Un berge vigilant, suivi d’un bon chien, suffit pour en mener paître cent ; il les précède et les accoutume à le suivre sans s’écarter ; il évite les endroits marécageux et choisit les terreins secs, les plaines élevées où le serpolet et les plantes aromatiques sont en plus grande abondance, sur-tout les prés salés quand c’est sur les bords de la mer. Ces animaux aiment prodigieusement le sel, et il leur est très-salutaire.
L’hiver on les nourrit dans l’étable avec du son, des navets, du foin, de la paille, de la luzerne, du sain-foin, des feuilles d’orme, de frêne, etc. On les fait sortir chaque jour vers dix heures ; le printems, au lever du soleil, l’été, ils prennent aux champs toute leur nourriture ; comme le soleil trop brûlant les incommode et leur donne des vertiges, on choisit les lieux ombragés, ceux où il n’y a point de ronces, d’ajonc, de chardons et d’autres plantes épineuses qui s’accorchent à leur laine et l’arrachent par flocons. L’Antheric ossifrage, la myositis aquatique, l’anémone des bois, la douve sont un poison pour eux. Il faut éviter les lieux où ces plantes abondent ; ils aiment sur-tout le thlaspi, le serpolet et la festuqye. Dans les lieux où on a point à craindre les loups on les laisse passer la nuit dans les champs, ce qui est très-utile à leur santé ; leurs excrémens et leurs émanations fertilisent la terre. Voyez Parc. Cent moutons amélioretn ainsi pendant un été, huit arpens de terre pour six ans.
Tous les ans on retire du troupeau les bêtes qui commencent à vieillir pour les engraisser ; on les soigne un peu différemment, elles sont sur-tout besoin de paître à l’ombre ; on leur donne beaucoup d’eau et de sel, ce qui les boullit plutôt que de les engraisser ; mais on y parvient parfaitement si on y ajoute des herbes succulentes, de la farine d’orge, d’avoine, de froment, des légumijneuses mêlées avec du sel. Dès que ces animaux sont gras il faut les vendre ; on ne sauroit les engraisser deux fois, ils périssent presque tous de maladie du foie, occasionnée par les vers qui s’y engendrent.
On fait une prodigieuse consommation du mouton ; sa chair est d’un excellent goût. Cet animal est plus répandu en France que le bœuf, dont on mange beaucoup moins dans les départemens méridionaux.
Le mouton n’a pas d’autre graisse que le suif ; il est plus abondant, plus blanc, plus sec qu’aucun autre. Le suif diffère de la graisse en ce que celle-ci reste toujours molle, au lieu que le suif durcit en se refroidissant. C’est sur-tout autour des reins et des intestins que le suif s’amasse en grande quantité. Toutes les parties de la chair de mouton en sont garnies ; il passe jusques dans son sang.
On tond tous les ans la toison des béliers, des brebis et des agneaux : après les avoir bien lavés pour la blanchir ; celle du mouton est la plus abondante ; on préfère la blanche à la grise, celle qui est lisse à celle qui est crépue. Cette laine, après avoir subi différentes préparations, sert à remplir les matelas ; filée, on peut la tricoter, la tisser, la feutrer ; on enf ait des bas, des bonnets, des habits, des tapis, des étoffes de tout espèce.
La peau du mouton passée en mégie ou chamoisée, sert à différens usages ; on en fait des vestes, des culottes, des couvertures de selle, de chaise, de livres, etc. : garnie de son poil, elle sert à la cavalerie pour couvrir l’arçon et garantir les armes de la rouille. Dans quelques dépaertemens on en fait des vestes pour l’hiver avec le poil en dedans.
Les boyaux du bélier servent à faire des cordes pour les instrumens de musique ; ses os brûlés donnent cette espèce de noir, appelé noir d’os.