Agenda républicain
Duodi 2 PLUVIOSE
Jour de la Mousse.
Duodi 2,Mousse. On distingue parmi les plantes celles dont les organes femelles sont apparents, et celle dont les où on ne peut les découvrir à l’oeil nud. Ces dernières se nomment cryptogames, c’est-à-dire, fécondation cachée.
Les idées ont été longteùs partagées sur la fructification des mousses. Elles ont enfin été fixées par Hedwig. Les mousses sont des plantes extrêmement petites et vivaces. Elles sont toujours vertes, principalement pendant l’hiver ; elles rampent en gazon ; du milieu de leurs feuilles s’élèvent des tiges minces portant une petite urne couverte d’une coeffe ou découverte. Cette urne est remplie d’une poussière fine. Au bas des tiges on observe de petites rosaces sessiles. On a faussement appelé l’urne authère ; on croyoit que cette poussière étoit celle de l’étamine. Hedwig a démontré que c’est la semence elle-même, que la rosace prise pour la fleur femelle est la fleur mâle, et que le pistil et le germe sont contenus dans la capsule ou urne. Les mousses tapissent la terre et offrent une verdure agréable pendant le temps où les arbres sont dépouillés, et où les autres plantes ont disparu ; elles couvrent les rochers qui, sans elles, nous attristeroient ; les bois putréfiés qui offriroient un aspect dégoûtant ; elles cachent les grosses racines des arbres qui sillonnent la surface de la terre ; elles remplissent le fond des marais et les fossés qu’elles transforment enfin en un terrein solide ; elles rendent l’eau plus pure et empêchent la putréfaction ; les jardiniers en couvrent en été les jeunes plantes, pour les garantir des rayons trop pénétrants du soleil, et en hiver pour les défendre des rigueurs du froid ; au printems on en met autour des jeunes tiges pour empêcher la racine de geler ; on enferme dans la mousse celles que l’on transporte, pour les entretenir humides, sans qu’elles se pourrissent ; enfin on se sert de la mousse pour bourrer les oiseaux morts et les autres dépouilles d’animaux.
Les mousses constituent dans la cryptogamie un ordre nombreux, distribué en plusieurs genres, qui ont tous, outre une utilité générale, des usages particuliers.
La buxbaume et la Jungerman piquent la curiosité par la singularité de leur fructification. La mnie cuspidée et le sphaigne des marais convertissent bientôt le lieu le plus marécageux en un tourbe, formant après un terrein solide, qui devient ensuite un pré fertile.
Le polytrie sert à l’ours pour se former le lit où il dort tout l’hiver. Les habitans des pays froids s’en font des tapis et des couvertures. On peut en bourrer des toiles en place de paillaffe. L’écureuil en construit sa demeure sphérique. Plusieurs oiseaux en composent leurs nids et y déposent mollement leurs œufs ; les lapons en enveloppent leurs enfans au lieu de langes ; cette mousse mêlée au sphaigne des marais, les échauffe et absorbe l’urine qu’ils laissent échapper, on en fait des arpersoirs et des balais.
Le lycopode fait des tapis pour essuyer à l’entrée des maisons la boue qui s’attache aux souliers. Le brye hyponoide procure sur les rochers les plus durs, un coucher assez tendre. Le fontinal antipyrétique résiste long-tems au feu et préserve de l’incendie les bois et les murailles qu’il tapisse. Le brye rural couvre les toits de chaumes, et fait plus facilement couler la pluie ; il préserve aussi les maisons rustiques de l’humidité. L’hypne partiétal et quelques polytriches bouchent les fentes inévitables dans les contstructions du bois. L’hypne s’employe aussi comme un filtre pour passer le lait.
Ce genre des mousses sert souvent à connoître sur le champ la nature d’un terrein ; les arbres sont aussi habités par des espèces différentes qui peuvent servir à les distinguer.
La poussière qui sort des urnes est abondante dans quelques espèces, principalement dans celles du genre lycopode ; celles du lycopode clariforme, est connue sur le nom de lycopodium. Elle est quelquefois si abondamment répandue que comme la poussière des étamines des pins elle sert à accréditer la crédulité des hommes simples sur les prétendues pluies de soufre ; l’eau ne mouille pas les doigts imprégnés de cette poussière ; jettée sur le feu, elle produit une flamme vive et brillante comme celle de la poudre, mais sans détonner et sans brûler. Le lycopodium est employé à l’opéra pour les flambeaux des démons.
Tout ceci prouve combien l’usage de plantes qui paroissent si méprisables, est étendu. Leur nombre est considérable. On les conserve desséchées comme les autres plantes, entre deux papiers : ces collections s’appellent moussiers.