Agenda républicain
primidi 21 vendémiaire
Jour du chanvre.
Le chanvre est une plante dioïque, c’est-à-dire dont les fleurs mâles et les fleurs femelles se trouvent sur des individus séparés. La tige est quadrangulaire ; ses feuilles sont divisées et ont une odeur forte. Les fleurs sortent de leurs aisselles, et forment des grappes. Les fruits qui ne s’observent que sur l’individu femelle, contiennent des graines lisses et arrondies, dont la pulpe blanche est huileuse et d’une odeur forte.
Cette plante est cultivée dans tous les pays ; mais toujours par des terrains gras et humides. Elle supporte mieux le froid que la chaleur. Avant de semer la graine on prépare la terre par des engrais multipliés ; cette opération se fait en Floréal, le chanvre lève sa tête vers le mois Thermidor. Quand la poussière des étamines des individus mâles a fécondé les pistils des individus femelles, on arrache brin à brin ce chanvre mâle, et on fait un mois après la même opération pour les individus femelles. Ceux qui font cette opération, nomment mâles les individus femelles, et femelles les individus mâles, parce qu’il regardent comme le plus précieux l’individu qui porte la graine ; et que cette dénomination n’est pas fondée chez eux sur la connaissance du système sexuel d’après les idées des Botanistes.
Après avoir arraché le chanvre, on le lie par faisceaux, et on le pose la tête en haut, afin que le Soleil le fasse sécher ; on le bat ensuite pour en tirer la graine, celle qui se sépare facilement est la meilleure.
Quand le chanvre a été arraché, on le fait rouir en le mettant dans une marre d’eau exposée au soleil ; cette opération dissout la substance gommeuse qui agglutine les fibres ; quand le chanvre a été bien roui, on le lave et on le fait sécher au soleil, en évitant la vapeur forte qu’il répand. Pour obtenir les fibres, qui se séparent alors avec plus de facilité, on l’espade c’est-à-dire, qu’on le broie sur une machine appelée maque. Elle rompt l’écorce ou chenevotte qui se réduit en poussière, les filaments longitudinaux, forment une filasse qui a encore besoin d’être séparée des matières étrangères. On le bat, mais avec précaution. La poussière qui s’en exhale occasionne aux ouvriers des maladies très-dangereuses.
On passe cette filasse dans des peignes de fer dont les dents sont successivement plus rapprochées ; elle acquiert ainsi plus de douceur et de finesse.
C’est ainsi que l’on prépare le chanvre dans les campagnes ; mais l’art a imaginé des procédés plus ingénieux qui malheureusement ne sont pas assez répandus. Après la première préparation du chanvre on le lave en le tordant dans l’eau, et on le bat successivement en répétant plusieurs fois l’opération ; on le tord bien, et on le fait sécher. Le chanvre préparé par cette méthode, due au citoyen Marcandier, ressemble à de la soie, et le plus grossier peut, d’après ce procédé, égaler le plus parfait ; il ne donne qu’un tiers d’étoupe.
Le fil de chanvre ordinaire sert à faire de grosses toiles pour les sacs, et pour les voiles des navires ; l’étoupe s’emploie pour faire des cordes de toute espèce, et pour boucher, mêlée avec du goudron, les fentes de vaisseaux ; mais le fil de chanvre travaillé, d’après la méthode de Marcandier, égale le plus beau lin, son étoupe fine et blanche fait une excellent ouate ; on en peut même faire de très-bon fils, mêlée avec de la laine ; on en fabrique des ouvrages de draperie et de bonneterie, mêlée avec du coton, on en peut faire des habits et des meubles, enfin on peut la teindre pour des ouvrages de tapisserie, de broderie et des étoffes.
Les feuilles de chanvre ont une qualité enivrante ; la graine appelée chenevi se donne aux oiseaux de bassecour ; mais avec d’autre, parce que seule elle les échauffe beaucoup ; on en retire par expression une huile bonne à brûler ; on l’emploie aussi dans le vernis, elle est très-siccative.